Band Apart bio

Au fil d’une trajectoire météorique qui a duré moins de trois ans, Band Apart s’est imposé au sein de la bouillonnante scène No Wave, à New York et en Europe. Le duo compte parmi les figures les plus énigmatiques et secrètes de cette époque. 

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Formé par la chanteuse, poète et performeuse new yorkaise Jayne Bliss (amie de Daevid Allen, Bill Laswell et toute la scène downtown de la fin des années 70) et le musicien/producteur marseillais M.Mader (qui évoluait dans l’underground phocéen aux côtés de Hector Zazou), Band Apart fait paraître un EP hypnotique en 1981, dans lequel la voix et les textes saisissants de Jayne Bliss sontimmergés dans les atmosphères brumeuses concoctées par Mader, avec leurs couches de guitares superposées. Bien qu’évoquant des parfums caractéristiques de l’époque et du lieu de leur naissance, ces chansons préfigurent étrangement certains sons qui apparaîtront une dizaine d’années plus tard (on pense parfois aushoegazing etc). Après une série de concerts à New York et en France, Band Apart enregistrent un album qui contient des titres cultes tels que O My Beautiful Song et Marseille. Mais lorsque l’album paraît, en 1983, le groupe s’est déjà dissous, accomplissant le destin inscrit dans son nom...Cette réédition paraît en vinyle et digital, et comprend le premier EP ainsi que cinqdes titres de l’album (deux autres titres de l’album sont disponibles dans la version digitale). Tous les morceaux ont été remastérisés à partir des bandes originales analogiques.

Band Apart - L’histoire

Jayne Bliss et M.Mader sont présentés l’un à l’autre en 1979 par l’insaisissable etprolifique compositeur & musicien français Hector Zazou, alors que Jayne effectue uncourt séjour en France. A New York, Jayne donnait des lectures de poésie, souvent accompagnée par des amis musiciens, dont Bill Laswell, Don Cherry & Jerry Lindahl. Elle était égalementphotographe, et avait ouvert le Jayne’s Photo Lab dans son loft du East Village, elle y développait et imprimait des films noir & blanc pour des clients comprenant des artistes tels que Larry Rivers, Andy Warhol, Robert Rauschenberg & Joan Mitchell. Elle commence à faire de la musique dans le contexte de Zu, la scène initiée par GiorgioGomelski, et se lie d’amitié avec Daevid Allen ou encore Fred Frith. C’est par l’intermédiaire de ce dernier qu’elle rencontre Hector Zazou Quant à Mader, il a à peine vingt ans lorsqu’il est engagé comme assistant par MichelMagne, le légendaire compositeur de musiques de film. Il rejoint ensuite unecommunauté de musiciens qui vit dans un château semi-abandonné près de Marseille,où il rencontre Zazou. Mader et Zazou se lancent dans un projet conceptuel intitule Boring Music, qui revendique l’influence de Terry Riley et Suicide... Le projet n’aboutitpas, mais constitue la base du fameux et scandaleux album La Perversitá. 

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La rencontre de Jayne & Mader porte rapidement ses fruits. Ils partent immédiatement à Deiá (Majorque), car Daevid Allen a invité Jayne à séjourner dans sa maison. Ils y passent du temps avec Daevid et son voisin Kevin Ayers, et commencent à composer de la musique. Ils retournent à Marseille et forment la première mouture de Band Apart, avec des musiciens du cru. Leur premier concert a lieu à Paris, en première partie de James Chance & the Contortions, dans le contexte de la tournée No New York liée au disque produit par Brian Eno. A cette époque, New York commence à vibrer au rythme de la No Wave, maelstrom éphémère qui révolutionne la scène musicale, et qui emerge précisément du milieu artistique dont Jayne faisait partie. Son loft dans le East Village, qui servait de domicile, studio, galerie d’art et lieu de rendez-vous d’artistes, était bien évidemment le camp de base rêvé pour développer les activités de Band Apart, et le duos’y installe en 1980.

“Mader a installé un petit studio d’enregistrement”, raconte Jayne, “et le travail de composition a démarré. Les journées étaient consacrées au travail, les nuits à sortir et nous immerger dans la scène. CBGB’s, Danceteria, The Limelight, Area, the Mudd Club,Studio 54, The Ritz, One-Fifth Ave., Mickey Rushkin’s Chinese Chance & St. Marks Church on the Bowery, The Ear Inn, New Nuyorican Cafe. Autant de lieux animés, avec une abondance de concerts excitants tous les soirs: Television, DNA, Ramones, Bush Tetras, Suicide, David Johansen & the Dolls, Richard Hell, Patti Smith, Blondie, Talking Heads.

A la fin des années 70, le East Village abritait pas moins de 50 galeries d’art pointues. Le Pyramid Club était l’un de nos lieux favoris, fréquentés par les drag queens tout comme par les performance artists. Je faisais des bandes-son pour des défilés de mode punky et des lectures de poésie dans tous les clubs précités. Oui, même dans le backroom du Studio 54... Quant à Mader, il s’est rapidement fait de nombreux amis et acollaborés avec de nombreux musiciens de la scène locale”. Mader raconte: “Lorsque j’y ai débarqué à la fin des années 70, New York sortait d’une grave crise économique. J’avais l’impression d’être à Beyrouth... Enormément d’immeubles en ruines, désaffectés, squattés. Downtown était une zone assez dangereuse, où la pègre et le marché de la drogue sévissaient librement, sans obstruction. Les loyers étaient ridiculement bas, la vie pas chère... c’est dans cette ambiance que la communauté artistique a trouvé son essor... NYC, ville sans lois... mais qui s’est très vite gentrifiée dès le milieu des années 80, sous la présidence de Reagan.C’est notre batteur Barclay Holmes qui m’a donné l’adresse de Noise NY.

Situé sur la 34eme rue entre Broadway et la 8eme ave., en face de Madison Square Garden, ce modeste studio 8 pistes était en construction quand je suis arrivé, Il s’agissait d’un loft au 2eme étage d’un ancien immeuble de manufacture, au-dessus d’un bar/restaurant, “The Meatball”. C’était le projet de Frank Eaton, électronicien et saxophoniste occasionnel, assisté de Kevin Fullen (bassiste), tous les deux issus de la Oberlin School of Music. Nous avions tous 23 ans. Barclay Holmes était un ami d’enfance de Kevin. C’est là qu’apris naissance le son de Band Apart, alors que nous expérimentions et enregistrions le EP. Frank avait construit son propre synthé modulaire à 8 oscillateurs, que j’ai beaucoup utilisé pour traiter les guitares et la basse, et programmer des séquences électroniques.

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L’idée était de trouver un son unique... Jayne écrivait les paroles et chantait, j’écrivais la musique et jouais de guitares et claviers, Kevin était à la basse et Barclay à la batterie. Ilnous a quittés en cours de route, pour rejoindre le groupe de son frère, Rubber Rodeo, et c’est Don Christensen (des Contortions et Raybeats) qui a fini par jouer sur “Eve Ryonne”. Par la suite, pour le LP c’est Max Fiorani qui s’est installé à la batterie.” Après avoir achevé les quatre superbes morceaux qui constituent le Band Apart EP (et qui figurent sur la face A de la présente réédition), Mader rentre en contact avec Marc Hollander chez Crammed Discs, via Hector Zazou, qui entamait une collaboration avec le tout jeune label bruxellois. Très impressionné par le EP, Marc accepte avec enthousiasme de le faire paraître. Le disque sort en septembre 1981, c’est l’une des toutes premières parutions du label.

Les réactions sont excellentes, et Band Apart se lance dans l’écriture d’un album, qu’ils enregistrent à Paris et Londres durant l’été 1982. Ils donnent ensuite des concerts en Europe et aux USA. L’album paraît en 1983, il témoigne de l’évolution passionnante du groupe, et contient des morceaux qui feront date (Marseille, O My Beautiful Song). Mais Bliss et Mader ont déjà entamé des parcours distincts, et le duo se sépare. Par la suite, Mader enregistre des albums sous son nom, et compose de nombreuses musiques pour le cinéma et la TV, notamment pour des longs-métrages de Ang Lee, Alexander Rockwell, Robert Greenwald etc. Il vit à Los Angeles. Jayne Bliss a continué à écrire de la poésie et de la musique, a suivi une formation en médecine chinoise, et ouvert un institut de santé couplé à un studio d’art, quelque part dans la campagne de Pennsylvanie.

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